Norton Sport-Club Genève

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La fougue et la technique

 

Daniel Wehrli

 

Près de deux secondes d’avance sur son concurrent (solo) le plus rapide, après le record établi l’an dernier, Daniel Wehrli fait désormais partie de la légende de Verbois. Il est aussi devenu la coqueluche du public qui se demande à chaque montée s’il ne va pas dépasser ses limites tant il paraît flirter avec elles.

 

 

C’est vrai que cela fait longtemps, à Verbois, que Daniel impressionne par son pilotage et qu’il a même réussi à nous gratifier d’une chute spectaculaire dans le virage des vignes suivi d’un non moins fantastique wheeling après avoir, rageur, relevé sa moto. Pas étonnant, que les spectateurs soient parcourus d’un frisson lorsqu’ils entendent le speaker annoncer le départ du no 140.

 

Souvent victime de sa fougue, le pilote, depuis quelques années, a affiné de manière saisissante sa technique de conduite et s’il lui arrive encore de chuter, c’est que son tempérament, même si avec l’expérience il a appris à le maîtriser, prend le dessus. En effet, ce qui n’a jamais changé, c’est que, depuis qu’il a attrapé le virus de la moto, il se sent obligé d’aller chercher la première place, sinon rien. Une chute ? Qui ne se souvient de celle de l’an dernier au Vigeant qui lui a coûté le titre de Champion genevois et de l’impressionnante remontée qui lui a permis en quelques tours de remonter une quinzaine de concurrents.

 Daniel Wehrli

Le déclic se produit lors d’un stage BMC. Les conseils lui ont permis d’ajouter à sa conduite instinctive, à son feeling, quelques astuces techniques. Mais, le plus important lui vient de son intégration dans les teams d’endurance. Dès lors qu’il s’agit de courir, non plus seul, mais dans le cadre d’une équipe, la stra-

tégie commune prime sur l’éclat d’une course individuelle. Toute chute, toute erreur, se paie d’une sanction qui ne touche pas seulement sa propre personnalité, mais compromet les résultats d’une collectivité et risque d’anéantir les efforts de tous ceux qui ont investi leurs compétences et leur enthousiasme dans l’aventure commune. Aussi Daniel renonce-t-il à sauter dans la roue de tous ceux qui pourraient le dépasser. La sagesse, toute relative d’ailleurs, se substitue à l’ivresse des duels.

 

Oubliées donc les années folles qui ont marqué sa jeunesse. A dix-huit ans, déjà passionné de motos, il se lance dans le motocross, avec à la clé quelques succès, comme par exemple en 1986 où il remporte la course du Championnat genevois au Bout-du-Monde, mais aussi une succession de gamelles. C’est ensuite l’enduro qui le tente durant deux saisons. Ce qu’il aime bien, c’est l’ambiance qui règne entre copains et les défis qu’ils se lancent et tant pis pour les classements. Mais la vitesse lui manque et ce n’est pas sa participation régulière à la course de côte de Verbois qui suffit à la combler.

Vue arrière 

Le Championnat suisse de vitesse ? Non ! Décidément, l’ambiance, les comportements du chacun-pour-soi, ce n’est pas son truc. Alors, les journées de pilotage ? Oui ! Là, on se retrouve entre amis et on peut se payer, à peu de frais, des bourres qui non seulement l’amusent mais encore révèlent son talent de pilote.

 

C’est à la suite de l’une d’elles que naît l’idée du Genève team Endurance avec Michel Passavanti et Patrick Gabriel. Si la première saison n’est pas aussi concluante qu’ils pouvaient le souhaiter, l’expérience acquise est, elle, précieuse. On sait maintenant comment faire et, malgré une saison en dents de scie et quelques déboires, le team, où Régis a remplacé Michel, se fait connaître et impressionne les observateurs. Aussi bien Gaby que Daniel jouissent d’une réputation qui leur permet de trouver des guidons; c’est dans un team belge qu’ils poursuivent leur chemin dans l’endurance. Mais chacun sait que l’endurance coûte très cher et les occasions de courir, malgré tout, dépendent pour beaucoup des finances. Cette année (2004) n’a pas été très riche. Toutefois elle a été marquée par une victoire à Magny-Cours aux 500 Miles de Faites-Vous-Plaisir, malgré des ennuis de poignet qui handicapent de plus en plus fréquemment Daniel lorsqu’il s’agit de conduire longtemps.

 

Et puis, il y a la vitesse, malgré tout. Ce qu’il ne trouve pas dans l’atmosphère du Championnat suisse, il le découvre avec les Championnats organisés par le Norton, où l’on côtoie essentiellement des copains qui ne se prennent pas la tête et où l’on peut se payer de sacrées bagarres. Deuxième l’an dernier au Championnat genevois, il termine en champion romand de la catégorie Hypersport, peut-être la plus disputée.

 

Et maintenant ? L’endurance, bien sûr, si ça se présente. Un nouveau championnat romand, peut-être. Mais surtout, en même temps qu’il ouvre un nouveau magasin - en imaginant un concept commercial novateur - Daniel souhaite transmettre ce que sa carrière lui a appris. S’il continue à piloter de manière très intuitive, instinctive, il a acquis des bases techniques qui peuvent être enseignées. Il rêve de pouvoir mettre sur pied une école de pilotage avec, à terme, la création d’un team de jeunes pilotes. Loin de s’atténuer avec l’âge - il est entré dans la quarantaine - sa passion pour la moto reste intacte, mieux ! elle sort dynamisée par toute l’expérience acquise.

 

 

Bulletin du Norton Sport Club No 6 / 2004

Roudy Grob

 

Hommage à Daniel

 

La Grande Faucheuse a fini par le rattraper, lui qui si souvent l’avait narguée au guidon de sa moto, elle l’a saisi là où personne ne l’attendait, au détour d’une balade en vélo. Daniel Wehrli a succombé à une attaque cardiaque en ce funeste dimanche du 6 mai, plongeant sa famille, ses amis, tous ceux qui l’ont connu dans une profonde tristesse.

 

Contraste saisissant : autant il pouvait se montrer d’une folle agressivité lorsque, enfourchant sa moto, il prenait le départ d’une course, autant il pouvait s’attirer la sympathie de tous par sa gentillesse dans les paddocks ou dans les contacts personnels qu’il nouait avec tous ceux qui l’approchaient.

 

Les milliers de spectateurs qui l’ont vu négocier les virages de Verbois en avaient fait un véritable héros, tant son pilotage impressionnait par sa témérité. Chaque année, on attendait, le souffle coupé, ses montées, tant on savait forte sa rage de vaincre.

Contraint de partir sur la dernière ligne lors d’une course du Championnat romand, c’est aussi le cœur battant qu’on suivait sa course désespérée pour revenir sur les talons de ses concurrents ; rien ne pouvait le décourager de franchir la ligne d’arrivée en vainqueur, quitte parfois à prendre des risques qu’aucun autre pilote n’aurait osé affronter.

 

Et pourtant, dans les paddocks, rien ne pouvait laisser supposer une telle volonté. Il discutait paisiblement avec chacun, se montrait souriant, affable, attentif aux soucis des autres, même si son tempérament lui imposait une certaine réserve et des paroles imprégnées de beaucoup de modestie.

 

Nous perdons un ami, un compagnon, une personnalité attachante et nous sommes tous très tristes de sa brutale disparition. Tous ceux qui l’ont connu veulent aujourd’hui partager la peine de sa famille et lui dire que nous garderons tous un souvenir ému et reconnaissant de tout ce qu’il nous a apporté.

 

Adieu, Daniel, merci et bonne route !

 

Le Norton Sport Club

Le président

Luc Bonfils

Bulletin no 2 / 2007