Norton Sport-Club Genève

Lun Mar Mer Jeu Ven Sam Dim
1
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31

Caché sous un calme olympien

 

Fernand Quiblier

 

Difficile de déchirer ce rideau de calme, de pondération, de maîtrise de soi. Ce qui se passe à l’intérieur est probablement autre chose. Fernand QuiblIer n’est pas un compagnon à vous tenir de longs discours, à vous raconter ses exploits ou à vous développer des théories sur la manière de conduire une moto. Discret, modeste même un peu énigmatique, il préfère écouter plutôt que parler, observer plutôt que discuter, agir plutôt que réagir.

 

 

En fait, sous cette image, il dissimule une très forte personnalité, armée d’une volonté de fer et d’une énergie inépuisable. C’est tout cela et la passion de la mécanique qui lui a permis, s’intéressant aussi bien à la voiture qu’à la moto, de passer du statut de mécanicien salarié, à l’ouverture du son entreprise de Nyon, puis maintenant de prendre une semi-retraite dans une sorte de paradis dont il a dirigé la construction.

 

Retraite ? Pas vraiment, car Fernand Quiblier ne s’imagine pas inactif, mais il prend maintenant plus de son temps pour s’occuper en priorité de ce qui lui plaît, la restauration des motos et des voitures qui lui tiennent à cœur.

 

Il habite désormais à St-George. Impressionnant ! Il y a, bien sûr, le domaine habitable, mais aussi un atelier qui ferait pâlir d’envie le plus exigeant des professionnels et surtout un espace d’exposition (pas encore vraiment fonctionnel) pour toutes les motos qui ont marqué sa carrière.Et il y en a beaucoup ! Parce qu’en trente ans, il en a usé de la gomme, sur tous les terrains.

Quiblier sur circuit

C’est donc dans sa nouvelle demeure que nous le rencontrons. Pour parler surtout de sa vie sportive. Une passion qui du trial aux courses de côte, des circuits de vitesse à l’endurance, perdure dans le plaisir de piloter sur les circuits européens les plus prestigieux en compagnie de sa fille Stéphanie, et même de relever des défis qui, théoriquement, ne devraient plus être de son âge.

 

Fin des années soixante. Fernand hésite encore entre le trial et la vitesse. Dans les carrières de Verbois, il se passe beaucoup de choses. Presque tous les samedis, une équipe de copains, sous l’impulsion de Bernard Basset, se retrouve pour se préparer au Championnat suisse de trial. Rien de mieux en guise d’entraînement que de participer à un championnat d’hiver interne. Fernand fait partie de ces passionnés de trial, une discipline encore nouvelle, alors très en vogue. C’est aussi une excellente école de maîtrise de soi.

 

Cependant, il y a aussi l’attrait de la vitesse. A peine sorti d’apprentissage de mécanicien, avec ses maigres ressources, Fernand s’achète une Triumph Bonneville avec laquelle il se lance dans la catégorie débutants. Sur huit courses, il en remporte sept, une succession de succès qui auraient pu lui valoir un titre national qui cependant n’existait pas pour les débutants.

 

L’année suivante, en 1971, c’est au guidon d’une Vincent 1000 qu’il participe au championnat et par deux fois, il établit le meilleur temps de la course de Verbois. Monza, Hockenheim, Lignières, il fait connaissance avec les circuits.

La Vincent de Fernand

Ses résultats sont tels en ce début de décennie qu’il décroche la licence internationale qui va lui permettre de se présenter au départ des courses internationales, car ce sont bien les courses en circuit qu’il affectionne le plus. Il n’hésite pas longtemps. La Vincent-Egli est remplacée par deux Yamaha TZ, une 250 et une 350 avec lesquelles il va faire plusieurs saisons.

 

Comme plusieurs de ses copains, Michel Risse, Pierre Gilles, Florian Bürki ou encore Alain Genoud, il n’a pas les moyens de disputer un véritable championnat ou de viser un titre ; il reste un pur amateur qui se fait plaisir en prenant place aussi souvent que possible sur une ligne de départ et en se permettant d’aller titiller quelques grands noms de la moto. Se retrouver sur la première ligne au Castellet, entre John Dodds et Michel Rougerie, même s’il reste scotché au moment du feu vert, allume encore, trente ans plus tard, une petite lueur brillante dans ses yeux.

Encore cette belle moto

Et puis, il y a eu, la tentation de l’endurance, le défi qui se relève à deux pilotes accompagnés d’un team plus ou moins important. Déjà Bürki et Gilbert Argo et surtout Genoud et Godier se sont lancés dans l’aventure avec d’emblée des résultats très prometteurs. Il n’en va pas de même pour l’auteur de ces lignes ; l’endurance au guidon d’une Norton Commando, ce n’est pas le choix le plus judicieux. Est-ce que ce sera mieux avec une Kawasaki 900 mise à disposition par Coco Schütz et préparée par Lucien Naudon ? Apparemment, oui ! L’équipage Grob – Quiblier se présente aux 24 Heures de Liège de Francorchamps. L’entente est parfaite et c’est à une très honorable 11ème place qu’ils franchissent la ligne d’arrivée. Aux Six-Heures de Zandwort, nouvelle satisfaction : 6èmes et sans un ennui de pneumatiques, allez savoir… Troisième épreuve, les 1000 Kilomètres de Mettet. L’aventure s’arrêtera là, à peine le départ donné. C’est la chute, l’incendie, six motos détruites dont la Kawa. Fin de l’endurance !

 

Fernand reprend les deux Yamaha et la ronde des circuits : Chimay, Castellet, Misano, Mettet … Beaucoup de places d’honneur mais pas de grandes victoires. Ce n’est pas ce qui lui importe le plus. Il reste un pur amateur, totalement indépendant, cherchant avant tout son plaisir de piloter et de partager l’ambiance avec ses copains. En course, la recherche de perfection de son pilotage prime sur la prise de risque qui lui permettrait peut-être de piquer un concurrent au freinage. Les chutes, il en connaît très peu. Sa plus grande peur, il la vit lorsque, bien placé au départ des 200 Miles du Castellet, il est trahi par son embrayage et qu’il se voit immobilisé au milieu de l’essaim qui le frôle pendant quelques secondes qui lui paraissent une éternité-.

 

Mais le grand tournant sera pris à la fin des années 70 : il y a son mariage avec Antoinette, la naissance de leur fille Stéphanie et surtout la création de sa propre entreprise, un garage. Difficile dès lors de concilier, vie de famille, vie de patron et vie de coureur. La moto devient pour lui, hors du cadre professionnel, un loisir, une escapade, une récréation. Tourisme, trial en tant que senior et surtout, pour garder la main, des week-ends sur circuit. Et comme pour tout ce qu’il entreprend, sans chercher à être le meilleur, il veut, tout en se faisant plaisir, progresser encore et toujours.

 

Les années passent. Stéphanie est devenue grande. Elle partage la passion de son père pour la moto. Il lui a transmis l’élégance et la finesse de son pilotage. C’est son horaire professionnel – elle travaille dans la restauration haut de gamme et se spécialise dans l’oenologie – qui détermine maintenant le calendrier de leurs sorties sur les circuits.

 

Pas étonnant qu’il choisisse des circuits qui font rêver, Francorchamps, Brno, Mugello ou Barcelone… Il lui arrive même de suivre avec Stéphanie des cours pour parfaire un style de pilotage qui malgré son élégance n’est plus, selon lui, tout à fait adapté à l’évolution des motos actuelles. Pas facile de se débarrasser de ses très anciennes habitudes, de placer la tête dans la poignée gauche ou droite du guidon et d’amorcer les courbes en plein freinage. Et puis, il y a toujours, cette prudence qui le fait rendre la poignée un peu trop tôt selon l’avis de ses moniteurs, Laconi, Coste ou Vieira.

 

Fernand se dit très chanceux d‘avoir un physique que les jeunes pourraient lui envier. Participer aux 500 Miles, par exemple, le réjouit pleinement, surtout qu’il constate que les temps qu’il réalise ne sont pas très loin des meilleurs et qu’il tient très bien le coup même pour long relais.

 

C’est aussi parce qu’il a une formidable réserve d’énergie qu’il nourrit dans sa tête quantité de projets, avec au premier plan, celui de mettre en évidence dans son musée personnel la quarantaine de motos qui ont marqué sa vie, avec à la place d’honneur son Egli-Vincent 1000 mais aussi ses Yamaha TZ d’origine.

 

Quand tout cela sera en place, entre deux week-ends de pilotage sur l’un des circuits qu’ils affectionnent Stéphanie et lui, il trouvera un moment pour vous faire les honneurs de sa collection. Mais n’espérez pas trop qu’il vous raconte sa très, très longue carrière de pilote. Ce n’est pas dans son caractère.

 

Bulletin du Norton Sport Club

no 2 / 2011

Roudy Grob